(Dé)Boire

Cela faisait des mois qu’ils s ‘aimaient. Et puis un matin, sans prévenir, il est parti, sans donner aucune explication. Il la laissa seule, sur le pas de la porte, en pleurs et en pyjama, l’esprit encore tout engourdi de sommeil. Elle ne cria pas, ne le supplia pas de rester. Et elle le regarda descendre les escaliers sans se retourner vers elle.

Lentement, comme dans un rêve, elle referma la porte. Quelque chose venait de se briser en elle. Une vague de douleur la submergea. Un instant, elle en resta le souffle coupé, les mains sur son visage. Les larmes dévalaient ses joues comme un torrent, mais aucun son ne sortait de sa bouche. Silencieuse douleur. Elle fit quelque pas dans son appartement vide, cherchant du regard une preuve que ce qu’il venait de se passer n’était qu’un terrible cauchemar. Mais toute présence de lui avait été effacée. Sa console avait disparue, tout comme son manteau, sa collection de BD, sa brosse à dent, son déodorant, son caleçon ou ses paires de chaussettes. Seules les photos étaient là, affichant deux jeunes souriant, s’embrassant, faisant la fête, s’aimant tout simplement.

Parti, parti. Il était parti. Et maintenant elle se retrouvait seule dans son petit appartement. Sans lui, sans l’amour de sa vie.

Ils avaient fait des plans ensemble. Ils devaient partir en Irlande cet été, faire un road-trip. A la rentrée, ils auraient du chercher un appartement pour tous les deux. Leur petit nid. Leur chez eux. Puis elle avait aussi imaginé qu’il l’aurait demandé en mariage l’année prochaine. Ils se seraient mariés en juin, ou en juillet peut-être. Puis ils auraient eu des enfants, deux, et un chien. Ils auraient été heureux ! Mais il est parti. Et la voilà seule, avec le souvenir amer de ses rêves pour le futur.

Hagarde, elle s’écroule sur le canapé. Que doit-elle faire maintenant ? Il y a comme un trou dans son cœur. Un trou béant, énorme, qui aspire tout. Elle a l’impression de n’être qu’un vide, du vent, du néant. Elle a tout simplement l’impression de ne plus exister. Mais aujourd’hui, elle doit travailler. Elle n’a pas le choix. Alors, courageusement, elle se lève et se prépare.

La journée se déroule comme dans une sorte de nuage ouaté. Plus rien ne lui parvient. Ni les sons, ni les goûts, ni les odeurs. Plus rien n’a de sens. Elle agit de manière mécanique, elle rit quand il le faut, mange quand il le faut, répond quand il le faut. Mais elle n’est pas là. Elle pense à lui, à son absence qui va la dévorer tout à l’heure, quand elle rentrera chez elle, et que seul le vide répondra à son cri de désespoir.

À la fin de ses heures de travail, elle décide de ne pas rentrer. Elle devrait appeler sa meilleure amie. Mais elle doit être trop occupée, entre son mari et ses jumeaux. Alors elle décide d’aller dans un bar. Elle y passe la soirée. D’abord, elle se contente de quelques verres de bière, mais pourquoi s’arrêter là ? À présent, elle boit des tequilas, des mojitos, prend des shoots. Elle ne sait plus à combien elle en est. Mais elle se sent bien. Autour d’elle, le monde tourne. Il est flou, complètement flou. Un homme lui parle, puis la touche. Enfin il l’embrasse. Elle le laisse faire. Elle s’en fiche. Elle ne sait plus qui elle est. Elle oublie. Elle s’oublie. Elle l’oublie.

Elle se réveille nue, contre un homme, nu lui aussi. Une douleur sourde lui vrille les tempes. Sa bouche est sèche, pâteuse. Elle a si soif ! Elle s’assoit lentement, mais le monde est sans dessus dessous. Elle ne sait pas où elle est, ni ce qu’il s’est passé ses dernières heures.

La réalité la frappe soudainement. Il est parti. Parti. Elle se roule en boule et se met à pleurer. Elle ne parvient plus à contenir ses sanglots. Le vide a réapparu dans son ventre. Elle se sent nauséeuse. Elle se penche en avant et vomi ses trippes sur le tapis. À côté d’elle, l’homme émet un grognement avant d’ouvrir un œil. La voyant dans cet état là, il se lève, en panique. Rapidement il attrape son caleçon et un tee-shirt sale, et court dans la cuisine. Il en revient avec de quoi nettoyer le tapis. Une fois satisfait, il revient avec un grand verre d’eau et deux cachets d’aspirine. Il ne lui demande rien, et elle lui en est infiniment reconnaissante. Elle avale ses cachets et s’enfonce sous les draps. Il revient près d’elle, et lui demande d’une voix douce si tout va bien. Elle hoche la tête pour lui dire que non, tout est loin d’aller bien ! Il ne lui demande rien de plus. Il se couche près d’elle et lui caresse les cheveux en lui murmurant des paroles réconfortantes. Au bout de quelques minutes, elle se rendort, vaincue par la tristesse, l’alcool et le chagrin.

Elle est réveillée le lendemain par une agréable odeur de café et de croissant chaud. Pendant un instant, elle croit être chez elle, avec celui qu’elle aime. Mais non, il faut qu’elle se ressaisisse. Tout cela est fini. Fini. Il est parti.

L’homme entre dans la chambre. Il se présente, Julien, enchanté. Il se doute bien qu’elle ne se souvient plus de lui. A son tour elle dit son prénom, et il rit en lui disant qu’il s’en souvenait très bien. Elle lui dit à quel point elle est désolée pour hier soir, et lui raconte ses déboires amoureux de la veille. Il hoche la tête, l’air grave. Il l’écoute vraiment. La comprend. Il a lui même vécu la même chose quelques temps auparavant. Le trou qu’elle ressent, lui aussi le connaît bien. Mais étrangement, depuis qu’il la vu hier soir dans ce bar, il va mieux.

Ils décident de se revoir. Peu à peu, entre eux, les choses évoluent. Peu à peu, le vide se comble, jusqu’à disparaître complètement. Ils se comblent, et sont comblés.

De la douleur peut naitre un sentiment magique : l’amour. Il suffit de savoir ouvrir les yeux, et de ne pas se noyer dans son désespoir.

 

Fête

La fête bat son plein. Tout le monde rit, chante, boit, danse, parle. Sauf lui. Assis au fond de la salle, Victor a la mine sombre. Son cœur amoureux est meurtri. Celle qu’il aime ne lui accorde pas même un regard, absorbée par ses amies.

Il sait bien qu’il n’a aucune chance avec elle. Depuis combien de temps espère-t-il qu’un jour son amour soit réciproque ? Ils ne sont qu’amis et cette situation lui devient de plus en plus insupportable.

Il boit verre sur verre, laissant la douce chaleur de l’alcool l’envahir. Bientôt le monde n’a plus de contour. Tout est flou, tout tourne autour de lui. Il laisse sa tête partir en arrière. Enfin il parvient à ne plus penser à elle, à sa Sarah.

De l’autre côté de la salle, une jeune fille rigole avec ses amies. Mais au fond d’elle, elle est amère. Julie attend l’amour depuis trop longtemps. Elle a l’impression que ce n’est pas pour elle. Elle n’est pas laide, mais elle est loin d’être une beauté. Elle en a conscience, mais que peut-elle faire ? Elle ne comprend pas ce qui ne va pas chez elle. Elle en souffre. Elle aimerait que même pour un soir, rien qu’une fois, on s’intéresse à elle.

Victor est saoul. Il sent qu’il va enfin pouvoir s’amuser. Il se déchaine sur la musique, oublie tout. Puis elle apparait dans son champ de vision. Ce n’est pas la fille de ses rêves, mais elle a l’air intéressé. Pourquoi ne pas en profiter ? Peut-être va-t-il pouvoir rendre Sarah jalouse ?

Victor se dirige vers Julie, lui prend les mains et lui chuchote à l’oreille que ce soir, elle est vraiment belle. Enfin, enfin ! se dit-elle. Son petit cœur bat à la chamade. Depuis le temps qu’elle attendait ça ! Julie l’avait déjà remarqué. Victor lui plaît. Elle lui répond en souriant qu’il est pas mal non plus.

Pendant une heure, Julie est sur un petit nuage. Ils dansent, rient. Parfois, les mains de Victor se baladent sur son corps. Elle aime ça et s’imagine déjà l’embrasser, dehors, sous la pluie, appuyée contre le mur.

Quant à Sarah, elle ne rit plus. A quoi joue Victor avec cette fille qu’il n’apprécie même pas ? Après tout, se dit-elle, je m’en fiche. Pourquoi serais-je jalouse ? Pourtant son cœur se serre. Elle pensait que Victor n’était rien qu’à elle !

Victor a remarqué les coups d’œil fréquents de Sarah et sa contrariété. Il propose à Julie de se mettre à l’écart, pour qu’ils puissent discuter. Ou faire autre chose si elle en a l’envie. Julie glousse. Elle est heureuse de se sentir regardée. Admirée. Elle ne sait pas encore qu’elle n’est qu’un jouet. Un objet dont Victor se sert habilement.

Lorsque Sarah les voit s’éloigner, elle sait qu’elle va devoir les rejoindre. Elle ne supporte pas de le voir avec une autre. Tout son corps se révolte à l’idée même qu’il puisse l’embrasser.

Plus loin, dans le couloir qui mène à l’étage, Victor plaque Julie contre le mur et la regarde avec intensité. Embrasse-moi, murmure-t-elle. Elle lui caresse les lèvres du bout des doigts. Puis lentement, elle approche sa tête…

Sarah arrive au bon moment. Elle fait exprès de se prendre le mur afin de faire du bruit. C’est maladroit et complètement stupide, mais elle s’en fiche. Victor est sien. Elle aurait dû s’en rendre compte avant !

Victor sourit. Son plan a fonctionné. Tu es là pour moi ? demande-t-il sans plus faire attention à Julie. Oui, répond Sarah. J’aurai du m’en rendre compte avant ! Je t’aime ! Victor se met à rire de joie. Je t’aime aussi, si tu savais ma Sarah !

Ils s’approchent l’un vers l’autre. Ils se dévorent des yeux. Le monde autour d’eux a disparu. Les larmes coulent sur les joues de Julie. Elle se sent si stupide !

Sarah et Victor s’embrasse. Sarah et Victor s’aiment.

Soudain, Victor se sent secoué dans tous les sens. C’est Julie. Que lui veut-elle encore ? Je suis désolée de te réveiller, mais la soirée est terminée, il faut que tu partes. Sauf si tu veux dormir ici, mais dans ce cas…

La voix de Julie se perd. Victor a sauté sur ses pieds. De la bave a coulé le long de sa bouche et il l’essuie avec sa manche. Sa tête bourdonne douloureusement. Ce n’était qu’un rêve. Juste un rêve… Il aperçoit au loin Sarah. Elle est dans les bras d’un autre. Tout comme Julie.

Victor est seul.

Lettre

Elle avait reçu cette lettre qui ne lui était pas adressée. Elle l’avait quand même ouverte et l’avait lu. Elle savait qu’elle n’aurait pas dû, mais la tentation était trop forte. Notre héroïne était bien trop curieuse.

C’était un homme qui écrivait à un vieil ami d’enfance. Il espérait qu’il vive toujours là, ou au moins ses parents. Il avait apparemment retrouvé une photo d’eux à l’époque du lycée. Il s’était rendu compte à quel point il lui manquait.

Il lui demandait ce qu’il était devenu. Avait-il réussi ses études, réalisé ses rêves ? L’auteur de la lettre disait qu’il était devenu banquier. Un métier qui ne le passionnait pas mais qui lui permettait de vivre confortablement. Il avait abandonné l’idée de devenir comédien. Il lui arrivait tout de même de faire quelques pièces parfois, mais juste pour le plaisir.

Il se posait pleins de questions sur son ancien meilleur ami, celui avec lequel il avait tout partagé, les bons comme les mauvais moments. Etait-il marié ? Avait-il des enfants ? Et comment allait sa famille ? Lui était resté un éternel célibataire. Sa dernière copine l’avait quitté quelques semaines plus tôt pour un autre homme. Il s’en remettrait. Elle n’était pas faite pour lui de toute façon. Il le sentait.

En bas de la lettre, il avait ajouté trois post-scriptum. Il ne parvenait plus à s’arrêter d’écrire. Puis il avait fini par écrire au revoir, à contre cœur, et surtout par manque de papier.

Dans l’enveloppe était glissée la fameuse photo. Notre héroïne la regarda avec intérêt. Qui était qui ? Ils étaient tous les deux assez mignons. Et au vu de la date de la photo, ils n’avaient que trois ou quatre ans de plus qu’elle.

Sans qu’elle ne sache réellement pourquoi, elle décida d’écrire une lettre aux deux hommes. Elle eut du mal à retrouver le destinataire, mais elle réussit.

A l’auteur, elle raconta comment elle avait retrouvé son ami, et du lui avouer, un peu honteuse tout de même, qu’elle avait lu sa lettre. Elle ajouta qu’elle avait contacté son ami et qu’elle lui avait joint sa lettre et sa photo. En post-scriptum, elle écrivit qu’elle avait envie de le rencontrer.

Elle attendit trois semaines avant d’avoir une réponse. Lorsqu’elle arriva, elle ne tenait plus en place. Il la remerciait. Ils s’étaient revus grâce à elle et tout c’était merveilleusement bien passé. A présent, ils ne se perdraient plus de vue, c’était sûr !

Il acceptait de la rencontrer. Mais où et quand ?

Elle lui répondit que le plus tôt serait le mieux. Elle trouvait ça terriblement excitant. Elle avait l’impression d’être dans un film ou dans un livre !

Ils se rencontrèrent un samedi midi dans un petit restaurant au bord de la mer. Elle portait une jolie robe et lui un bouquet de fleurs.

Ils tombèrent amoureux un dimanche matin, alors qu’ils couraient comme des gamins sous la pluie.

Ils se marièrent par une splendide journée de juin, le meilleur ami comme témoin. C’était tout de même grâce à lui qu’ils s’étaient rencontrés !

« Je te retrouverai »

« Je ne suis bien que dans tes bras ». « Je t’aime ». « Je t’appartiens ».

Ces paroles résonnaient à ses oreilles dans un bourdonnement indistinct. Etait-ce hier ? Ou peut-être aujourd’hui ? Il n’arrivait plus à s’en souvenir, l’alcool ayant brouillé sa mémoire. Ce dont il se souvenait, c’est que plus jamais il n’entendrait ces mots venant de la bouche de cette femme qu’il aimait. Et c’était la seule chose dont il ne voulait plus se rappeler. A certain moment, la douleur se faisait si forte qu’il aurait aimé mourir. Alors il buvait. Toujours plus.

 

Le jour entrait à flot par la fenêtre. C’était une belle et agréable journée de mai. Le ciel était d’un bleu limpide et le soleil brillait haut dans le ciel. La journée promettait d’être bonne. Mais pas pour lui. En se réveillant, un mal de tête abominable lui vrillait les tempes. Ces yeux étaient rouges et injectés de sang. En se regardant dans le miroir de la salle de bain, il ne se reconnu pas tant il était laid. De larges cernes violettes entouraient ses yeux bruns.  Ses cheveux étaient gras et ternes. Ses vêtements sentaient l’alcool et le tabac froid. Des larmes coulaient le long de ses joues creusées par la fatigue. Il l’aimait ! Il l’aimait tant ! Et pourtant elle était partie. Non, elle n’était pas partie, c’était pire que cela. Car lorsqu’on part, on peut toujours revenir, n’est-ce pas ? Mais elle, elle ne reviendrait jamais. Elle était morte.

Morte.

Un sanglot le secoua violement. Il ne pourrait plus jamais revoir son visage, goûter ses lèvres. Jamais plus il ne lui chanterait des mots d’amour. Il ne pourrait plus entendre sa voix, son rire. Jamais plus il ne caresserait sa peau, toucherait ses cheveux. La colère l’envahi. Pourquoi était-elle morte ? Pourquoi l’avait-elle abandonné comme cela ?! Mais qui avait le droit de faire ça ? Et de plus, il devait aller identifier son corps. Comme si cela ne suffisait pas ! Il allait devoir son visage sans vie, sans âme. Vide.

-La mort, c’est beau, avait-elle dit un jour. Car même si l’on est plus là, on continu à vivre dans la mémoire des autres. Puis, peu à peu, le souvenir s’efface, comme un dessin que l’on aurait fait sur le sable mouillé. Et pourtant on est toujours là, vivant dans leur cœur, s’accrochant à eux comme un coquillage à son rocher.

-Tu crois vraiment que je pourrais t’oublier ? lui avait-il répondu.

-Non, dit-elle avec un petit rire, tout en l’embrassant.

Elle était peut-être dans son cœur pour toujours, mais cela ne suffisait pas. Sans elle, il suffoquait, comme si il était privé d’oxygène.

Le moment tant redouté arriva. Il entra dans la morgue, sans savoir comment il était arrivé jusque-là. Un homme entre-deux âge lui fit un signe de la tête qui disait « Courage mon gars. T’es ni le premier ni le dernier à avoir à faire ça ». Il s’approcha de la table. L’homme souleva le drap blanc qui recouvrait le visage de la jeune femme. Son cœur rata un battement. Les larmes jaillirent de ses yeux et un sourire illumina son visage meurtri.

-Est-ce bien Elina Karnov ?

-Non, ce n’est pas Elina.

Le soulagement envahi tout son être. Il se remit à revivre, petit à petit. Si Elina n’était pas devant lui, c’était qu’elle était vivante. Une joie intense le traversa. Il se jeta dans les bras du policier, cet homme entre-deux âge qui ne connaissait pas l’amour.

-Mais alors, qui est cette femme ? La connaissez-vous ?

– Ce n’est pas Elina.

-Alors, expliquez-moi comment se fait-il qu’elle a été retrouvée avec ses vêtements, ses bijoux et ses papiers au volant de la voiture de Mlle Karnov ?

-Je n’en sais foutrement rien !

-Monsieur Berry, il va falloir me suivre. Je pense que nous aurons besoin de vous pour notre enquête.

Ce n’est qu’après un long et interminable interrogatoire qu’Hugo pût sortir du commisariat. Il ne s’était jamais aussi senti aussi heureux et aussi vivant. Elina n’était pas morte !

 

Une fois dans la rue, à l’air libre, il murmura : « Je te retrouverai ».  

Cette vie

J’ai l’impression d’être un boulet

Que l’on doit se trainer.

Lourde et encombrante,

Je suis comme un fantôme qui vous hante.

Jour et nuit, nuit et jour,

Toujours là à vous faire la cour.

 

J’en peux plus de cette vie,

Faites-moi sortir d’ici.

Je voulais juste être aimée,

Pas traitée comme un déchet.

 

Je voulais des amis,

J’ai gagné des ennemis.

Qu’ai-je fais pour mériter ça ?

Je vous en supplie, ne m’en voulez pas.

J’ai plus envie de me battre,

Je ne suis pas une comédienne de théâtre.

 

J’ai plus envie de vivre,

Marre de ne recevoir aucun sourire.

J’ai plus envie de faire d’efforts.

Je l’avoue vous êtes trop fort

Au jeu des plus cruels.

Dans ma tête c’est trop le bordel.

J’en peux plus de cette vie,

 

J’suis paumée.

J’arrive tout simplement plus à avancer.

J’ai besoin d’aide,

Je n’demande pas la lune,

Juste un peu d’entraide,

Brisez mes chaînes.

Korg

La douleur me faisait suffoquer. Pourtant, je ne devais pas relâcher mes efforts, sinon il serait perdu. Et si j’étais bien sûre d’une chose, c’est que je ne voulais pas qu’il meurt. Korg me regardait me vider de mon sang avec un air de victoire sur les lèvres. Mais ce n’était pas fini. Pas si vite. Je retirai la lame de mon ventre dans un petit cri de douleur qui le fit rire. Je me relevais avec difficulté, et je vis sur sa face de porc à quel point cela lui faisait plaisir. J’attrapai une flèche dans mon carquois, et bandai mon arc. Je tirai. La flèche ne manqua pas sa cible. Elle l’atteignit dans sa poitrine avec un bruit mat. Il la retira. Il ne saignait même pas et je sentis le découragement m’envahir. Il s’approcha vivement de moi et je pus sentir son haleine fétide sur mon visage.

“-Tu pensais vraiment m’avoir ?” me dit-il.

Je ne répondis pas et lui cracha au visage. Il me tordit le bras et mon épaule se déboita dans un craquement sinistre qui encore une fois lui arracha un sourire de satisfaction. Je souffrais tellement ! Je n’avais plus qu’une envie, laisser la mort m’emporter. Son visage s’imposa alors à moi. Malgré le sang qui coulait de ma plaie béante et la douleur que j’éprouvais, je ne devais pas flancher. Son avenir dépendait exclusivement de moi. Je ne savais plus quoi faire. Mon heure était compté. Soudain je la vis, la solution. Les autres devaient être juste au-dessus de la grotte où nous étions, Korg l’empereur du Winrsorde et moi-même, Amalia princesse du royaume de Tilm. J’aperçus un puits au–dessus de ma tête. Je devais hurler. Je ne savais pas s’ils pouvaient m’entendre avec le bruit de la bataille. Korg me tenait toujours le bras. Je pris une profonde inspiration qui me fit tousser et je poussai un hurlement. Par bonheur ma voix se répercuta contre la paroi rocheuse et remonta le long du puits.

“-Cela ne sert à rien de crier ma jolie. Strictement personne ne peut t’entendre” ! Me susurra-t-il à l’oreille.

Je ne pus m’empêcher de frissonner. Le sentir si près de moi était tout simplement insupportable. C’était l’assassin de ma mère. Et s’il me tuait, il serait également celui de mon fils. J’attendis ce qui me parut une éternité. Korg me regardait avec plaisir. Il savait que j’allais mourir et il attendait que la mort vienne me chercher. Lente et douloureuse. Voilà comment elle allait-être. Personne ne m’avait entendu. La bataille qui faisait rage dehors avait dû couvrir mon cri. Soudain, sans que je comprenne comment et pourquoi, Korg s’effondra. Après avoir aperçus la flèche qui venait de le tuer, je m’évanouis.

 

Quelques heures auparavant…

“-Lowan ! Dépêche-toi !” Criais-je à mon fils.

Nous devions fuir. Dans peu de temps, les Winrsordes allaient envahir le palais. Je devais sauver mon fils, l’unique héritier de la couronne de Tilm. Sans lui, notre royaume était perdu. Je me déguisai en homme, afin d’être plus difficilement repérable, et coupa mes longs cheveux à la va-vite. C’est avec tristesse que je vis mes belles boucles blondes tomber sur le sol. Mais je n’avais pas le choix. Je pris Lowan par la main et nous courûmes jusqu’à l’écurie le plus rapidement possible. J’entendais les bruits de la bataille se rapprocher.

“-Vite !” Lui soufflais-je.

Lorsque nous arrivâmes dans l’écurie, Nila ma plus loyale et fidèle servante nous attendait. Sans me dire un mot, elle me passa un sac de vivres, mon arc ainsi qu’un carquois remplit des plus belles flèches du pays. Lorsque je voulu la serrer dans mes bras, elle me repoussa et me montra Iona du doigt. Elle était déjà scellée. Elle nous poussa dans sa direction. Je montai la première et Lowan s’assit devant moi. Nous partîmes au galop. Une larme coula le long de ma joue. Une fois sorti de l’enceinte de la ville, nous obliquâmes vers les montagnes de Pilm. Au bout d’une demi-heure de galop ininterrompu, nous y arrivâmes. Le bruit de la bataille était de plus en plus proche. Lowan pleurait. Il avait peur. Et pour un garçon de 5 ans, tout cela était bien compliqué.

“-Ne t’inquiète pas Lowan. Tout va s’arranger. Et je suis avec toi. D’accord ?”

“-Oui, maman.”

Je laissai Iona avec regret dans une cavité de la montagne, sans l’attacher. Elle n’allait pas partir sans avoir entendu mon appel, elle avait été éduquée comme ça. Je pris Lowan sur mon dos, et commença à gravir la montagne. Les bruits de la bataille, les bruits porteurs de mort et malheur s’approchaient de plus en plus. C’est au bout de quelques minutes d’escalade que je compris. Ce n’était pas la bataille qui se rapprochait de nous, mais nous qui nous rapprochions d’elle ! C’était trop tard pour faire demi-tour. Je continuais à grimper la peur au ventre. Comment avais-je pu être aussi stupide ? Une fois arrivé au premier versant, une main me retira Lowan. Il hurla. Mais ça ne servait plus à rien. Avec ses pouvoirs d’enchanteur, le Winrsorde l’endormi. Il m’attrapa aussi. Et il cria à quelqu’un :

“-Hé, Korg ! Je fais quoi de celui… Non, de celle-là ?!”

Mon cœur se serra en entendant ce nom. Korg… Il me reconnut automatiquement.

“Ma chèèèère Amalia ! Mais comment vas-tu ? Mais, ce ne serait pas ton fils que Yunou a dans les bras ?”

Je ne répondis pas. Il s’approcha de moi. Il m’attrapa par les cheveux.

“-Pas d’inquiétudes Yunou, je m’occupe d’elle.”

Il me tira par les cheveux jusqu’à une grotte, à quelques mètres de là. Il sorti son épée, me l’enfonça dans le ventre.

Je m’évanouis.

A toi…

Nocive, voilà ce que tu es.

Tu es comme un poison qui me grignote peu à peu.

Chaque jour qui passe, tu me blesses un peu plus.

Je ne veux plus t’aimer.

 

Trop de choses ont changé,

Trop d’années ont passé.

Notre amitié n’est plus ce qu’elle était.

 

Tu n’es plus la même.

Nos rires mêlés ne se font plus entendre.

Tu me manques atrocement.

Où es-tu ?

Je me sens si seule.

 

Trop de choses ont changé,

Trop d’années ont passé.

Notre amitié n’est plus ce qu’elle était.

 

Est-ce de ma faute ?

Est-ce de ta faute ?

Je ne sais pas, je ne sais plus.

J’en ai marre de me battre,

Marre de t’attendre dans le noir.

 

Trop de choses ont changé,

Trop d’années ont passé.

Notre amitié n’est plus ce qu’elle était.

 

Arrête de me blâmer pour une seule erreur.

T’es-tu déjà rendu compte du nombre des tiennes ?

Combien de fois vais-je devoir m’excuser ?

J’ai fini de me battre, fini de t’attendre.

Je n’ai qu’une envie, te dire « adieu ». 

 

Seul problème, je t’aime. 

T’oublier est au-dessus de mes capacités.

J’ai l’espoir qu’un beau jour tout s’arrangera.

Ne m’oublie pas, reviens-moi.

Attente

En ce jour sinistre de pluie, voici un peu de lecture. Enjoy !

Marguerite sortit de la maison. Assise sur les marches du perron se trouvait sa sœur Edith, en petite robe d’été blanche. Ses grands yeux bleus étaient fixés vers le portail. En apercevant Marguerite, Edith poussa un grand soupir et posa sa tête entre ses mains, les coudes sur les genoux. Elle savait que sa sœur allait venir lui poser des questions et elle n’était pas vraiment d’humeur.

Toutes deux étaient très différentes, autant physiquement que mentalement. Marguerite était aussi brune qu’Edith était blonde. Marguerite était plutôt exubérante et sociale. Edith était plus effacée et discrète. Cependant, elles avaient toutes les deux les yeux de leur mère, deux grands saphirs scintillants, toujours joyeux. Elles s’aimaient d’un amour profond. Elles ne se comprenaient pas toujours, mais cela ne les empêchaient pas de très bien s’entendre, du moins, la plupart du temps.

Marguerite agita sa main en souriant. Elle s’approcha de sa sœur et lui demanda :

-Qu’est-ce que tu fais là ?

Ca y est. L’interrogatoire allait commencer. Marguerite n’allait pas comprendre, alors Edith décida de rester évasive.

-J’attends.

Marguerite n’eut pas l’air tout à fait satisfaite. Elle ne supportait pas quand sa sœur ne voulait pas tout lui dire. Pour elle, deux sœurs ne devaient pas avoir le moindre secret l’une pour l’autre. Elles étaient du même sang tout de même !

-Tu attends quoi ? dit-elle en s’asseyant à côté d’Edith.

-Je ne sais pas encore. Mais j’ai le sentiment que je quelque chose va arriver. Quelque chose de bien et de bon !

-Tu vas attendre longtemps ? Parce qu’il commence à faire un peu froid, tu ne trouves pas ?

Pour appuyer son propos, Marguerite frissonna et se frictionna les bras. Marguerite aimait bien les mises en scènes. Elle en faisait toujours un peu trop. Mais c’est ce qui la rendait si attachante aux yeux de tous, sauf à ceux de sa sœur.

-J’attendrai une éternité s’il le faut ! Je sais au fond de moi, au plus profond de mon être, que quelque chose qui m’attend aussi va arriver.

Marguerite haussa les épaules. Edith était trop rêveuse pour elle. Trop poétique aussi. Elle préférait les gens terre à terre. Au moins, elle n’avait pas de problème pour les comprendre.

-Mais imagine que cette « chose », comme elle t’attend, ne bouge pas, elle non plus. Comment veux-tu qu’elle arrive jusqu’ici ?

-Qu’est-ce que tu peux être sotte parfois ! s’exclama Edith. Elle me cherche ! Elle m’attend sans le savoir, en me cherchant. Et moi je sais que si je bouge, je vais la rater. Et il ne faut pas que je la rate. Tu comprends ?

-Non. Désolée répondit Marguerite en secouant la tête.

-Ne t’excuse pas. Ça ne sert pas à grand-chose.

-Dis que je t’embête pendant que tu y es !

-C’est exactement ça, tu m’embêtes ! J’étais bien avant que tu arrives avec toutes tes questions embêtantes !

C’était agaçant à la fin, cette manie qu’avait Marguerite de tout rendre énervant. Comme si Edith avait envie d’attendre jusqu’à demain, comme si elle aimait le vent frais qui lui donnait la chair de poule, comme si elle aimait attendre pour peut-être rien ! Son cœur battait trop vite, et cela lui donnait mal à la tête. Le comportement de Marguerite ne l’aidait pas non plus à aller mieux.

-Puisque c’est comme ça, je rentre ! Quand madame aura fini de raconter n’importe quoi, elle ferait mieux d’en faire autant. Tu vas attraper la mort si tu restes là trop longtemps. Tiens, prends mon gilet. Edith voulu ouvrir la bouche pour protester, mais elle n’en eu pas le temps, car Marguerite répliqua: Non ! Ne dis rien. Met-le et tais-toi ! Je vais faire à manger. Tu veux quoi ?

Leurs parents étaient partis passer la soirée dehors avec leur frère Henri, le benjamin de la famille, pour fêter son excellent bulletin. Ses sœurs n’avaient pas eu le droit de venir à cause de leurs disputent incessantes. « Ce soir sera l’occasion de mettre les points sur les i et de vous réconcilier» avait dit leur mère avant de partir.

-Je ne sais pas. Je n’ai pas très faim.

-Tu m’embêtes toi aussi à ne jamais rien savoir ! Tu as faim en plus ! J’entends ton ventre gargouiller, alors arrête de me mentir, ce n’est pas la peine. Saucisse purée ça t’irais ?

-Pourquoi tu me demandes ? Tu ne sais faire que ça, de toute façon…

-Oh ! Ça suffit ! J’arrête de parler avec toi. Et puis si je suis si nulle que ça, tu n’as qu’à faire la cuisine ! C’est toi l’aînée après tout, c’est à toi de prendre soin de moi et pas l’inverse.

Marguerite se leva d’un bond et courut à l’intérieur. Edith allait enfin pouvoir respirer un peu et attendre paisiblement.

De frais, le vent était devenu froid tout à coup. Mais Edith ne baissera pas les bras. Cela faisait beaucoup trop longtemps qu’elle attendait ce moment. Presque deux ans à vrai dire. Cela faisait deux longues années que tous les soirs, pendant une heure, elle s’asseyait sur les marches du perron ou dans le sofa de l’entrée, les yeux fixés vers le portail, le cœur battant. Comment sa sœur ne l’avait-elle pas remarquée avant ? Elle n’en savait rien. Mais au fond, cela l’arrangeait.

L’heure s’écoula lentement. Edith ressentie chaque seconde comme un calvaire. Puis aussi soudainement qu’elle avait débutée, elle s’acheva et une nouvelle commença. Dans vingt-quatre heures, Edith ira reprendre sa place sur le perron.

Un an s’écoula encore. Mais rien n’arriva. Pourtant, jamais Edith ne perdait courage. Un jour, se répétait-elle, un jour, ma patience sera récompensée.

Puis un soir, Marguerite ne rentra pas. Et il se pourrait qu’elle ne rentre plus jamais. Marguerite s’est tout simplement envolée. Elle a disparue. Personne ne sait ce qu’il s’est passé. Le matin elle était partie en souriant et en chantant après une ultime dispute avec sa sœur, puis elle n’était pas revenue.

Edith pleura beaucoup. Marguerite lui manquait. Il y avait comme un trou dans sa poitrine. Elle s’en voulait. A quoi bon se disputer quand on peut perdre à tout moment ceux qu’on aime ? Elle aurait dû être plus gentille, plus douce…

Son attente prit tout son sens. Depuis tout ce temps, elle attendait le retour de Marguerite sans le savoir. C’est à l’heure exacte où Marguerite avait disparue qu’elle attendait désespérément. Alors son attente continua, encore et encore. Mais tout espoir n’était pas perdu. Car aussi sûrement qu’elle savait qu’elle attendrait toujours, elle savait que Marguerite la cherchait.

« Je t’aime… »

Rien que pour vous, voici un autre de mes textes. Enjoy !

 

Elle était assise, seule, dans une clairière, derrière un arbre. En train de lire, comme toujours. « Le moment idéal » pensa-t-il avec satisfaction. Mais au fond de lui, en avait-il réellement envie ? Il l’aimait. La connaissait par cœur. Pourquoi lui ferait-il du mal ? Oui, pourquoi ? Il essayait de comprendre. De se comprendre. Mais tout restait flou. Et cette voix dans sa tête résonnait toujours, de plus en plus forte. Insistante. « Tue la ». Etait-il fou ?

D’un geste lent, elle remit en place une de ses mèches derrière son oreille droite. Quelque chose à l’intérieur de lui s’agita furieusement. Il était comme une bête sauvage, avide de sang. Sans qu’il ne s’en rende compte, des larmes se mirent à couler le long de ses joues. C’était la décision la plus importante de sa vie.

Elle tourna une page de son livre. Pourquoi se torturer ? Elle allait l’abandonner de toute façon ! Comme les autres, celles qu’il avait dû tuer. A ce souvenir, il se regarda les mains. « Des mains de tueur… »Se dit-il tout bas.

Elle releva la tête, et chassa une fourmi qui grimpait le long de sa jambe dénudée. La première à mourir, elle l’avait mérité. Vraiment. Elle l’avait trompé. Dans la chambre même où ils s’étaient vus nus pour la première fois. Quand il l’avait appris, ça l’avait rendu fou. Il lui avait coupé les veines. Dans une baignoire. Suicide, en avait conclu l’enquête. Il n’avait aucun remord.

Elle referma son livre d’un geste brutal. Il sursauta. Pourquoi tant de violence dans ce geste ? Il avait envie d’aller la voir, de l’embrasser. De lui demander ce qui n’allait pas. Mais s’il le faisait, elle mourait.

Elle pleurait et se laissa aller contre l’arbre. La deuxième, c’était un accident. Personne ne savait qu’ils sortaient ensemble. Personne ne savait qu’ils se connaissaient. Ils étaient tellement différents ! Un soir, elle avait eu envie de le présenter à ses amis. Ils se disputèrent ce sujet. Il l’a gifla. Fort, trop fort. Elle bascula en arrière, se fracassa la tête sur la table du la salle à manger. Personne ne compris pourquoi elle était morte. En revoyant ces images comme un flash-back, il frissonna.

Elle s’était calmée et avait repris sa lecture. La voix se faisait plus pressante. Il mit sa tête entre ses mains. Ne pas l’écouter, l’ignorer. Il se souvenait de chaque instant qu’il avait passé avec elle. Des moments de bonheur intense. Il n’avait jamais ressenti ça avant. Pourquoi elle ? Elle l’aimait aussi, il le savait. S’il la tuait, il en mourait. Elle faisait partie de lui.

Elle se gratta le bras, et regarda autour d’elle en souriant. Elle était si belle ! Ses cheveux châtains cascadaient dans son dos et le vent jouait avec. Il ressenti une violente douleur au niveau de son ventre. Elle était si près mais si inaccessible ! Il ne voulait plus entendre la voix dans sa tête. Soudain, il se retourna et regarda dans la direction opposé à celle où elle était assise. Sa décision était prise, il essaierait de ne pas la tuer. La voix était encore plus forte, plus violente. Elle lui murmurait des horreurs à l’oreille. Un violent mal de tête lui vrillait les tempes. Résister. Il devait le faire, pour elle, pour lui, pour eux. « Pour nous ».

Ayant entendu un bruit derrière elle, elle se retourna, ne vit rien et se replongea dans sa lecture, encore une fois. Il avança. Un pas après l’autre. Son mal de tête et la voix le torturait à présent. Il n’allait pas tarder à s’évanouir. Mais pour elle, il avança. Au bout de quelques secondes, il ne put plus supporter la douleur. Il s’écroula sur le sol en poussant un hurlement. Il aurait dû le faire en silence. Elle avait entendu le cri, avait reconnu sa voix et avançait dans sa direction. Non ! Il ne fallait pas qu’elle vienne le voir ! Si elle l’approchait, elle ne s’en sortirait pas. Il essaya de se relever, mais il en était incapable. Bientôt, elle pencherait son doux visage au-dessus de lui, et mourait. Il fût pris de nausée. Sa tête lui tournait. Non, non, NON ! Il entendait ses pas, juste à côté de lui. Il ferma les yeux. Il ne voulait plus jamais les ouvrir. « Un monstre, je suis un monstre… » Pensa-t-il.

Elle posa sa main délicate sur son front. « Tout ira bien… » Il ne répondit pas. Il sentait qu’il allait bientôt l’étrangler. Sa tête lui faisait moins mal, il se sentait étrangement bien. Rassuré. Tout était bientôt fini. La voix dans sa tête s’était tu. Lorsqu’il ouvrit les yeux, elle était toujours là, au-dessus de lui. A sa grande stupeur, il n’avait plus aucune envie de la tuer. Un soulagement intense l’envahi. Il avait juste envie de la prendre dans ses bras, de la bercer, de lui dire combien il l’aimait, qu’il était désolé pour tout ce qu’il avait fait, qu’elle devait fuir et ne plus l’aimer. Il se releva. S’assis dans les feuilles. Elle déposa un baiser sur ses lèvres. Il ne comprenait pas.

Comment avait-il pu résister à la voix ? Celle qui l’avait poussé à tuer tant de personnes ? Aurait-il pu s’empêcher de commettre tous ces meurtres ? Elle le regardait avec amour et inquiétude. Elle le ramena jusqu’à sa voiture. Il ne pouvait plus se supporter. Il se haïssait. Comment avait-il pu imaginer une seule seconde l’éliminer ? Soudain, le simple fait de respirer lui parut insurmontable. Elle démarra la voiture et le déposa chez lui. Une fois dans son appartement, il écrivit une longue lettre à sa bien-aimée. Il racontait tout ce qu’il avait fait de mal dans sa vie. Les meurtres, les coups qu’il avait infligé. Il la posta. Elle arriverait dans quelques jours. En retournant dans son appartement, il avait déjà pris sa décision. En lui rendait visite le lendemain, elle le retrouva mort.

 Assise sur sa tombe, elle lisait la lettre qu’il lui avait envoyée. Elle pleurait. Tout cela était si impensable ! Elle mit la lettre dans sa poche, se leva, le visage baigné de larmes. « Je t’aime… » Puis, elle partit, sans se retourner, de ce cimetière où elle ne retournera jamais.