« Je te retrouverai »

« Je ne suis bien que dans tes bras ». « Je t’aime ». « Je t’appartiens ».

Ces paroles résonnaient à ses oreilles dans un bourdonnement indistinct. Etait-ce hier ? Ou peut-être aujourd’hui ? Il n’arrivait plus à s’en souvenir, l’alcool ayant brouillé sa mémoire. Ce dont il se souvenait, c’est que plus jamais il n’entendrait ces mots venant de la bouche de cette femme qu’il aimait. Et c’était la seule chose dont il ne voulait plus se rappeler. A certain moment, la douleur se faisait si forte qu’il aurait aimé mourir. Alors il buvait. Toujours plus.

 

Le jour entrait à flot par la fenêtre. C’était une belle et agréable journée de mai. Le ciel était d’un bleu limpide et le soleil brillait haut dans le ciel. La journée promettait d’être bonne. Mais pas pour lui. En se réveillant, un mal de tête abominable lui vrillait les tempes. Ces yeux étaient rouges et injectés de sang. En se regardant dans le miroir de la salle de bain, il ne se reconnu pas tant il était laid. De larges cernes violettes entouraient ses yeux bruns.  Ses cheveux étaient gras et ternes. Ses vêtements sentaient l’alcool et le tabac froid. Des larmes coulaient le long de ses joues creusées par la fatigue. Il l’aimait ! Il l’aimait tant ! Et pourtant elle était partie. Non, elle n’était pas partie, c’était pire que cela. Car lorsqu’on part, on peut toujours revenir, n’est-ce pas ? Mais elle, elle ne reviendrait jamais. Elle était morte.

Morte.

Un sanglot le secoua violement. Il ne pourrait plus jamais revoir son visage, goûter ses lèvres. Jamais plus il ne lui chanterait des mots d’amour. Il ne pourrait plus entendre sa voix, son rire. Jamais plus il ne caresserait sa peau, toucherait ses cheveux. La colère l’envahi. Pourquoi était-elle morte ? Pourquoi l’avait-elle abandonné comme cela ?! Mais qui avait le droit de faire ça ? Et de plus, il devait aller identifier son corps. Comme si cela ne suffisait pas ! Il allait devoir son visage sans vie, sans âme. Vide.

-La mort, c’est beau, avait-elle dit un jour. Car même si l’on est plus là, on continu à vivre dans la mémoire des autres. Puis, peu à peu, le souvenir s’efface, comme un dessin que l’on aurait fait sur le sable mouillé. Et pourtant on est toujours là, vivant dans leur cœur, s’accrochant à eux comme un coquillage à son rocher.

-Tu crois vraiment que je pourrais t’oublier ? lui avait-il répondu.

-Non, dit-elle avec un petit rire, tout en l’embrassant.

Elle était peut-être dans son cœur pour toujours, mais cela ne suffisait pas. Sans elle, il suffoquait, comme si il était privé d’oxygène.

Le moment tant redouté arriva. Il entra dans la morgue, sans savoir comment il était arrivé jusque-là. Un homme entre-deux âge lui fit un signe de la tête qui disait « Courage mon gars. T’es ni le premier ni le dernier à avoir à faire ça ». Il s’approcha de la table. L’homme souleva le drap blanc qui recouvrait le visage de la jeune femme. Son cœur rata un battement. Les larmes jaillirent de ses yeux et un sourire illumina son visage meurtri.

-Est-ce bien Elina Karnov ?

-Non, ce n’est pas Elina.

Le soulagement envahi tout son être. Il se remit à revivre, petit à petit. Si Elina n’était pas devant lui, c’était qu’elle était vivante. Une joie intense le traversa. Il se jeta dans les bras du policier, cet homme entre-deux âge qui ne connaissait pas l’amour.

-Mais alors, qui est cette femme ? La connaissez-vous ?

– Ce n’est pas Elina.

-Alors, expliquez-moi comment se fait-il qu’elle a été retrouvée avec ses vêtements, ses bijoux et ses papiers au volant de la voiture de Mlle Karnov ?

-Je n’en sais foutrement rien !

-Monsieur Berry, il va falloir me suivre. Je pense que nous aurons besoin de vous pour notre enquête.

Ce n’est qu’après un long et interminable interrogatoire qu’Hugo pût sortir du commisariat. Il ne s’était jamais aussi senti aussi heureux et aussi vivant. Elina n’était pas morte !

 

Une fois dans la rue, à l’air libre, il murmura : « Je te retrouverai ».  

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